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Le droit de préemption du locataire généralisé à l’ensemble du territoire de la Région Bruxelloise

Par Amaury Istas & Laurent Collon [Xirius]

Lundi 18.03.24

Suite à la proposition de Nawal Ben Hamou, sa secrétaire d’Etat au logement, le Gouvernement bruxellois a, en date du 22 juin 2023, déposé au Parlement de sa région un « projet d’ordonnance portant modification du Code bruxellois du Logement en vue de mettre en place un droit de préférence pour les locataires d’un logement mis en vente ».

Le Parlement de Bruxelles-Capitale a voté en faveur de ce projet le 19 septembre 2023.

L’ordonnance a été publiée au Moniteur belge le 27 décembre 2023.


1) Le droit de préférence et le bénéficiaire de ce droit

Le droit de préférence donne aux locataires la possibilité d’acquérir en priorité le logement dans lequel ils sont domiciliés.

Le bénéficiaire de ce droit de préférence est le locataire, son conjoint, son cohabitant légal ou de fait, son ou ses descendants ou enfants adoptifs ou ceux de son conjoint ou cohabitant légal ou de fait, domicilié(s) dans les lieux et ayant conclu un bail de résidence principale de longue durée (soit un bail initialement conclu comme tel, soit un bail devenu tel à la suite d’une reconduction tacite), à la date de la notification du droit de préférence par le vendeur/bailleur.

L’exigence d’avoir conclu un bail à long terme pour pouvoir bénéficier du droit de préférence permet de limiter ce droit au(x) locataire(s) ayant une volonté de s’établir à long terme dans le logement occupé en concluant un bail de 9 ans ou plus.

Rappelons que le bail de courte durée est celui qui a été conclu pour une durée inférieure ou égale à trois ans.

Ne peuvent jouir de ce droit, les locataires ayant conclu un bail de colocation, un bail d’étudiant ou ceux qui ne se sont pas domiciliés dans le bien loué avant le jour où nait le droit de préférence.


2) Entrée en vigueur et application du droit de préférence

Les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 6 janvier 2024 et s’appliquent à toutes les ventes intervenues à partir de cette date (quelle que soit la date de conclusion du bail).

La nouvelle ordonnance s’applique donc aux baux en cours.


3) La procédure à suivre depuis le 6 janvier 2024

Lorsqu’un propriétaire-bailleur entend mettre son bien en vente, en Région de Bruxelles-Capitale, il devra non seulement en informer son locataire ou toute personne pouvant être considérée comme telle, mais aussi du droit de préférence dont bénéficient le locataire et son cohabitant légal ou de fait, ainsi que leurs enfants s’ils sont également domiciliés dans le logement.

Pour être valable, la notification adressée au locataire doit contenir au moins les informations suivantes :

1. La description du logement, en ce compris l’adresse, la superficie au sol et la désignation cadastrale du bien ;
 2. le prix ;
 3. les conditions de la vente projetée et ;
 4. si des droits réels peuvent grever le bien.


Cette lettre, qui est considérée comme ayant valeur d’offre de vente au profit du locataire, doit toujours être envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception.

Le locataire disposera alors d’un délai de 30 jours, à partir de la réception de la notification, pour se renseigner sur sa capacité à acheter et pour répondre favorablement ou non à l’offre de vente du propriétaire-bailleur.

L’acceptation par le locataire du prix et des conditions indiqués dans la notification vaut vente.

En cas de refus ou d’absence de réponse dans ce délai de 30 jours, le bailleur pourra considérer que le locataire renonce à l’exercice du droit de préférence, et proposer alors le bien en vente à un tiers (ou en vente publique).

Dans le cas où le bien est proposé à un tiers-acquéreur à un prix ou des conditions de vente plus favorables, le notaire doit notifier ces conditions et ce prix au locataire, à moins que le propriétaire-bailleur ne l’ait déjà fait.

Dans ce cas, le locataire dispose d’un nouveau droit de préférence de 6 jours pour exercer son droit de préférence.

L’absence de réponse du locataire dans ce délai est considérée comme une renonciation à l’exercice du droit de préférence.

A titre d’information : le droit de préférence s’applique également en cas de vente publique, aux conditions indiquées dans l’ordonnance.


4) Les obligations à charge des propriétaires – notaires – agents immobiliers

Cette nouvelle ordonnance implique de nouvelles obligations à charge des propriétaires bruxellois, des agents immobiliers et des notaires, étant donné qu’ils sont responsables du respect du droit de préférence dans le cadre de leurs missions.

Si le notaire devait encore constater que l’obligation du propriétaire-bailleur n’a pas été remplie préalablement, il devra notifier au locataire, au plus tard 60 jours avant la date de passation de l’acte authentique, la copie du compromis signé avec un tiers acquéreur ou de l’accord signé avec ce dernier, afin de permettre au locataire d’exercer son droit dans les 30 jours de la réception de cette notification.

Dans ce cas, le droit de préférence, présenté comme tel par le texte, constitue en réalité un véritable droit de préemption puisque si le locataire exerce son droit, il prend la place du candidat acquéreur.

En cas de non-respect par le notaire, l’agent immobilier et le propriétaire-bailleur du droit de préférence de son locataire, ce dernier, lésé, disposera d’un délai d’un an à dater de la transcription de la vente pour demander l’annulation de la vente réalisée avec un tiers et intenter une action en justice en subrogation contre l’acquéreur, afin de devenir propriétaire du bien à sa place (moyennant remboursement du prix qu’il a payé pour devenir le nouveau propriétaire du bien).

La demande de subrogation du locataire doit également être signifiée au propriétaire-bailleur (vendeur) pour lui permettre, le cas échéant, de contester le non-respect du droit de préférence allégué par le locataire.

Le locataire disposera également d’une action directe contre le propriétaire-bailleur qui n’aura pas respecté le droit de préférence.


5) Les ventes où l’application du droit de préférence est exclu

Pas toutes les ventes, ni tous les biens sont couverts par le droit de préférence.

Le texte prévoit que le droit de préférence ne s’applique pas dans les hypothèses suivantes :

1. lorsqu’il s’agit d’une vente où les cocontractants sont membres d’une même famille ;
2. si la cession immobilière opère dans le cadre de fusions, scissions ou liquidations de sociétés ;
3. pour les ventes d’immeubles à logements multiples occupés par plusieurs locataires différents, si l’immeuble qui serait vendu est considéré comme étant un bien indivisible ;
4. dans le cas où le locataire est copropriétaire du logement ;
5. lorsque la vente d’un bien est frappé par un arrêt d’inhabitabilité ;
6. lorsqu’il s’agit d’une vente d’usufruit ou de la nue-propriété, ainsi que la vente moyennant rente viagère, en ce compris celles dont le terme n’est pas aléatoire ;
7. quand il s’agit d’un vente à sa propre société ;
8. dans le cas d’une cession de droit indivis entre indivisaires ;
9. si le bien avait déjà fait l’objet, avant la conclusion du contrat de bail, d’une promesse de vente envers un tiers et que ce dernier exerce son droit.





Amaury Istas - Laurent Collon (spécialiste agréé en immobilier)
Avocats
(Xirius - Avocats)





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